Denys Arcand
Denys Arcand naît en juin 1941, à Deschambault, un village sis près de Québec, d’un père qui, capitaine au long cours, arpente le monde, et d’une mère qui joue du Bach ou du Chopin à la guitare et au piano. Ses parents, désireux d’assurer la meilleure des éducations à leurs trois fils, déménagent à Montréal.
Il fait ses premières armes en tournant des films étudiants, au collège Sainte-Marie d’abord, puis à l’Université de Montréal, où il étudie l’Histoire. En réalité, il a fait la découverte de la scène au collège et il rêve d’être comédien. À l’université, lors du tournage de Seul ou avec d’autres, dont il a coécrit le scénario, on fait appel à lui pour diriger les comédiens. C’est ainsi qu’il se trouve à coréaliser ce film et à faire la connaissance de réalisateurs de l’Office national du film venus prêter main-forte aux apprentis cinéastes. Séduit par la mentalité et le mode de vie de ces aînés, Denys Arcand se tourne vers la réalisation et, à 20 ans et des poussières, entre à l’ONF, une pépinière d’auteurs de documentaires à forte incidence sociale et politique.
Au cours des années 1960, il réalise des courts métrages à caractère historique, comme Champlain, Les Montréalistes et La Route vers l’Ouest ou plus prosaïques, comme Montréal, un jour d’été ou Volley-ball, qui lui valent quelques prix et d’excellentes critiques.
À la fin de la décennie, il tourne un long métrage documentaire qui dénonce la condition des ouvriers du textile. On est au coton soulève la controverse, l’ONF retarde la sortie de ce brûlot six ans durant…
Il prend alors ses distances avec l’ONF et tourne, coup sur coup, de 1970 à 1975, trois films de fiction pour le compte de producteurs privés : La Maudite Galette, Réjeanne Padovani et Gina. Les deux premiers, bien accueillis par la critique, sont salués dans divers festivals à l’étranger. Ce n’est pas le cas de Gina qui marche cependant très bien dans les salles québécoises. Entre les tournages des deux premiers, il revient momentanément au long métrage documentaire avec Québec : Duplessis et après…, dans lequel il relève les relents du duplessisme dans nos mœurs électorales.
Au milieu des années 1970, le cinéma québécois est en crise, Denys Arcand se trouve sans travail et accepte d’écrire le scénario de la série télévisée Duplessis, qui connaît un énorme succès d’écoute. Il tourne ensuite pour le compte de l’ONF un documentaire-choc sur le référendum de mai 1980, Le confort et l’indifférence. En 1983, il réalise pour la chaîne anglaise de Radio-Canada trois épisodes de la télésérie Empire Inc. et enchaîne avec la mise en scène d’un film de commande, tiré du roman éponyme de Roger Lemelin, Le crime d’Ovide Plouffe.
Il rêve de faire des films plus personnels et se penche sur un scénario de fiction qui met en présence huit intellos, quatre femmes et quatre hommes, dont les propos, le plus souvent désabusés, tournent autour d’un même sujet : le sexe. Le déclin de l’empire américain, qui se distingue par l’intelligence des dialogues et l’audace des thèmes abordés, sort dans les salles québécoises en mai 1986. C’est un triomphe et le film connaît ensuite un succès mondial sans précédent dans l’histoire du cinéma québécois.
Il répète ce succès trois ans plus tard avec Jésus de Montréal, une imposante coproduction franco-canadienne où un acteur monte un spectacle d’après la Passion du Christ. Cinéaste vedette, il collectionne les prix et les récompenses. Hollywood le met en nomination aux Oscars, le Festival de Cannes l’inscrit à son palmarès. Il reçoit une avalanche de Génies à Toronto et d’autres prix à Taormina, Chicago, San Juan, Halifax ou San Remo. Il se situe dorénavant dans une classe à part dans le cinéma québécois dont il devient le porte-étendard.
Deux ans après Jésus de Montréal, il tourne un sketch de Montréal vu par… puis adapte pour le cinéma une pièce du dramaturge canadien-anglais Brad Fraser, Love and Human Remains, qui sort en 1993. En 1996, il réalise un téléfilm, Joyeux calvaire, tiré d’un scénario de Claire Richard puis tourne, en anglais, Stardom, une analyse critique du monde de la mode et de celui des médias, qui prend l’affiche en l’an 2000. Love and Human Remains et Stardom ne connaissent ni la faveur du public, ni celle de la critique. Mais Denys Arcand ne jette pas l’éponge, il se remet au travail et planche sur le scénario des Invasions barbares, qui met à nouveau en scène les personnages centraux du Déclin de l’empire américain.
Le film, lancé au printemps 2003, connaît un succès inespéré, tant dans les salles de Montréal, Paris ou New York, qu’au festival de Cannes et à la remise des Oscars, à l’hiver 2004. Denys Arcand a gagné son pari de façon éclatante, il va pouvoir tourner le ou les films qu’il a encore en lui, en toute liberté. Ce qu’il fera avec son plus récent en liste, L’âge des ténèbres.