François-Albert Angers
François-Albert Angers voit le jour à Québec en 1909. Issu de la bourgeoisie – son père est médecin –, il fait de brillantes études et, chose rare pour l’époque et pour un jeune homme de son milieu, il se dirige vers la comptabilité plutôt que vers une profession libérale.
Il se pointe aux Hautes Études Commerciales, à l’Université de Montréal. Là règne un grand esprit, Édouard Montpetit, qui le convainc de se vouer à l’économie plutôt qu’à la comptabilité. Cette voie n’est pas évidente, puisqu’à l’époque, en pratique, la profession d’économiste n’existe pas au Québec.
Vers la fin de ses études, Angers est atteint de tuberculose et doit passer près d’un an au sanatorium. Il en sort, guéri, pour terminer sa scolarité. Puis on lui fait une offre inespérée en lui proposant la succession éventuelle de Montpetit.
L’économiste en herbe ne fait ni une ni deux, il saute sur l’occasion. Jeune marié, il se rend à Paris en 1935 y parfaire ses connaissances en matière économique, à la prestigieuse École des sciences politiques. De retour à Montréal, il gagne les HEC où il mènera une carrière universitaire longue de près de quarante ans !
Il va réussir, comme peu de grands professeurs l’ont fait chez nous, une remarquable synthèse de l’enseignement universitaire et de l’engagement dans les grands débats de la cité.
Économiste réputé, il sait séparer sa carrière universitaire, son enseignement, et ses écrits à ce titre, de son action nationale au sens large, de son rôle d’homme engagé, de polémiste souvent, de combattant de première ligne.
La crise et la guerre ont favorisé l’émergence d’un nouveau courant réformiste, le néo-libéralisme auquel se rattache la pensée d’Angers. Sans remettre en cause les valeurs fondamentales du libéralisme classique, il vise à en atténuer les effets négatifs en accordant une importance accrue aux notions de justice sociale et d’équilibre économique.
Ce néo-libéralisme s’accompagne du néo-nationalisme, une formulation réformiste du nationalisme québécois afin de l’adapter aux réalités et aux exigences de la société urbaine et industrielle qu’était devenu le Québec. Ces néo-nationalistes se divisent en deux camps. L’un plutôt fédéraliste, l’autre carrément souverainiste. C’est à cette dernière option que s’intéresse Angers.
De tous les combats qu’il mène, il faut retenir sa lutte contre la centralisation où il voit la plus redoutable menace politique pour le Québec.
Ainsi, il est amené à lancer une croisade spectaculaire contre les allocations familiales, création, à ses yeux, de la centralisation fédérale. Il prend aussi parti contre la nationalisation de l’électricité ; il se dresse devant René Lévesque, mais il ne peut stopper la marche glorieuse du champion de la Révolution tranquille.
Mais, lors des grandes querelles linguistiques, ce féroce opposant au socialisme ou à René Lévesque se retrouve sur les barricades aux côtés des chefs syndicaux les plus à gauche et des plus fidèles admirateurs de l’ancien Premier ministre
Car la promotion de la langue française, qu’il estime un élément fondamental, vital, de notre identité, est sa grande préoccupation. Ces combats trouvent leur écho notamment dans le mouvement et la revue L’Action nationale.
En 1972, au moment de la crise linguistique, François-Albert Angers connaît son heure de gloire en fondant le Mouvement Québec français. De même est-il un des piliers de la Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal pendant de nombreuses années.
Cet homme qui ne tient pas en place prononce des centaines de conférences et écrit des milliers d’articles sur les questions nationale, sociale, économique et politique. Il ne refuse jamais de s’engager, mais il ne cède jamais aux modes. Et il n’a pas l’habitude de revenir sur ses opinions…
Dans une entrevue accordée à la veille de son 90e anniversaire, 40 ans après la nationalisation de l’électricité, il n’hésite pas à déclarer : « La Révolution tranquille a eu comme conséquence, dans le domaine idéologique, de nous couper de nos racines. Si c’est ça, la modernité, il y a quelque chose qui ne marche pas! »
Cet homme engagé est décédé à l’âge vénérable de 94 ans, le 14 juillet 2003.