La Marmite
La marmite: Récipient avec couvercle, sans manche et muni d’anses dans lequel on fait cuire les aliments.
Définition du Petit Larousse!
« J’en ai ras la marmite! »
Ça, c’est ce que s’est exclamé Charles (je crois que c’était son prénom…)
élève des classes de travail de l’École Normale.
Ledit Charles, piquant une colère monstrueuse dirigée contre sa maîtresse
pour je ne sais plus quelle raison. Cela n’a guère d’importance;
mais ce qui m’est resté, c’est cette expression de marmite ».
Jolie image pour notre cerveau, notre inconscient, notre ressenti;
tout ce qui fait que l’Homme est un être humain.
Tout ce qui nous fait en tant que personne « affective s’ajoute et se côtoie dans cet ustensile!
Et ce qu’il y a de pratique,
c’est que quand le contenu de la marmite ne nous plaît pas,
nous dérange…pof…on pose le couvercle…
Cependant, il faut être très habile quand on soulève le couvercle pour,
par la suite, rajouter un ingrédient.
Attention à ce qu’un produit préalablement introduit
ne s’échappe pas malencontreusement…
Et puis il se passe de drôles de choses dans cette casserole
quand on ne la surveille pas; pendant notre sommeil;
alors que votre esprit est occupé ailleurs
(à rire avec des amis, a suivre un bon film, à œuvrer pour votre patron).
Loin de notre vigilance,
la marmite s’amuse à brasser toutes ces matières enfournées…
ou plutôt « emmarmitées »!
Elle juxtapose les ennemis, les fait se confronter:
-le sentiment de jalousie avec le cheveu blond (qui ne vous appartient pas, évidemment)
-le rire qui s’élève sur votre passage et ce terrible manque de confiance en soi
-la parole malheureuse sortie de votre bouche et l’œil soudain brillant de votre ami(e)
La liste est sans fin et chaque être à la sienne propre,
en fonction des émotions et souvenirs qui l’ont construit.
La plupart des gens vivent avec une marmite passablement pleine.
Ils s’en accommodent. Quand leur ustensile est trop plein,
ils piquent une « bonne colère; le couvercle tressaute et en sort un jet de…
Quel nom donner à cette rogne qui s’échappe?
Cette sorte de bave, amalgame de vieilles rancunes, de non-dits refoulés?
Un peu de rien, un peu de tout, vous brassez et ça explose en un crachat écumeux.
L’avantage très net, c’est qu’après,
il y a de nouveau un peu de place
pour y rajouter les prochains achats faits au marché!
D’autres personnes, en revanche, ne gèrent pas leur marmite!
Ils accumulent des légumes, souvent pas très frais,
voir carrément pas de saison. Et chacun sait que certaines denrées cohabitent mal.
Quelle soupe immonde se cuit là-dedans…?
Ça fait des bulles qui explosent en tirant des fils.
Et la couleur…n’en parlons pas!
Sombre, de toute façon, comme les ingrédients qu’on y a mis.
Quel paysage effrayant et peu ragoûtant!
Et un beau jour…(est-il vraiment si beau que ça?) la marmite n’en peut plus,
le couvercle s’envole et tout le contenu s’échappe,
par la bouche en explications désordonnées, en
« Jenpeuplus; par les yeux, en larmes salées qui semblent ne jamais vouloir se tarir.
C’est alors qu’on vous fait avaler de jolies petites pilules…rosés de préférence,
pour diluer tout ce sombre.
On vous dit « Chère Mâdââme, faudrait songer à voir un Sikiâtre. »
Qu’est-ce qu’un Sikiâtre?
C’est une personne munie d’épongés abrasives à la place des oreilles et de la bouche.
Chaque fois qu’elle vous parle ou vous écoute, ça vous récure la marmite.
Dans ma casserole toute sale, fumante et gluante
que le Sikiâtre avait commencé à débarbouiller lentement, si, si lentement
que je croyais ne jamais plus l’obtenir propre, j’ai alors jeté un prénom.
Un nom de fleur qui a commencé son travail.
L’accompagnant, sont entrés le soleil du printemps
(et pourtant il y a eu beaucoup de neige cet hiver-là!),
le rire en cascade des enfants dévalant les prés,
le ciel bleu et ses nuages floconneux, la tiédeur de l’air, la douceur de vivre.
Le blanc et le jaune de la fleur se sont attaqués à l’opacité de ma marmite…
Lentement, en éclaircissant d’abord le dessus, à coup d’air (dans les poumons, s’il-vous-plaît)
par petites touches d’anges (dans nos campagnes),
par application de petits chaussons pour réchauffer les pieds glacés (et le cœur aussi quelques fois)… Elle lit en vous à livre ouvert, comprend sans explication, compatit.
Ses paroles sont un onguent apaisant.
Soudain la casserole paraît beaucoup moins lourde à mes épaules.
L’espoir revient. Le soleil brille plus intensément, les gens me sourient…
Mais pas de méprise, ce n’est que le voile mince, figé, en surface qui s’est évaporé.
Si belle soit-elle, une fleur tient sa vie du plus profond
et celle dont je parle ne se gêne pas pour aller chercher au cœur même de la marmite.
Elle tire…ça rechigne. Ça fait si longtemps que c’est collé là!
Petit à petit, la résistance s’amenuise, sans qu’on s’en aperçoive.
Et pof! Ça lâche… comme un élastique.
Tout vous revient en plein visage, en plein cœur.
Quelques paroles réconfortantes de la petite fleur…
Elle souffle sur vos plaies comme la maman à son petit qui lui tend un doigt écorché.
Elle devient aussi nécessaire que l’air que l’on respire, que le soleil qui nous réchauffe…
Et pour toute cette douleur qu’elle nous révèle, l’apaisement
qui s’en suit, la vie qui continue plus légère qu’avant; pour tout ça.
Merci…Marguerite !