L’ORPHELINE par Joseph-Guillaume Barthe
Pourquoi donc suis-je seule ? isolée ? et muette ?
Pourquoi la paix si loin de mon âme inquiète ?
Le bleu du ciel est pur !
Dans la voûte céleste
Pas un nuage obscur…
Je suis sombre pourtant… quelque souci funeste
M’agite dans le sein !
Je sens naître, en mon âme, un tragique dessein…
J’ai beau voir, au jardin, le tendre époux de Flore*
Épanouïr mes fleurs,
J’ai beau, sur mes oeillets, voir les larmes d’Aurore*
Rafraichir leurs couleurs,
Ce n’est rien pour mon coeur qu’une rude torture !
Le deuil de la Nature
Ferait mieux en ce jour…
Et puis, la pauvre enfant cheminait, inclinée
Vers son humble séjour.
Comment calmer, mon Dieu ! ses poignantes [douleurs ?
Pouvait-elle noyer ses ennuis dans ses larmes ?
Le désespoir, helas ! n’a pas de pleurs !…
Et les pleurs, dans l’ennui, sont de si pauvres armes
Pour une infortunée !…
Elle tendait au ciel sa suppliante main,
Exhalait en soupirs les restes de sa vie…
Et ses soupirs brûlans
Montaient comme un encens
Vers le trône divin !…
Une soeur, ange au ciel, lui restait pour amie :
(Dans la langue des saints on la nomme Vertu !)
Elle offrait à Jésus pour l’ange de la terre,
Tout ce que dans son âme il régnait de vertu,
L’amour d’un jeune enfant pour une tendre mère,
Et la sainte pudeur de sa virginité…
Pauvre Colombe, elle était si souffrante !
Alors qu’elle priait elle était si touchante…
C’est Dieu qui va la rendre à la sérénité !…
Elle sera demain dans la sainte Patrie !
Les jours de deuil seront passés,
Et puis le songe de la vie…
La paix aux trépassés !
* Flore : déesse latine des fleurs et des jardins, épouse de Zéphyr (personnification des vents d’ouest).
*Aurore : fille de Titan et de la terre ou soeur du soleil et de la lune. Cette déesse ouvrait les portes du jour.
Le Populaire, 1re année, no 26, 7 juin 1837. p. 1