Biographie de François-Xavier Garneau (1809-1866)
Le vent mugit et frappe, en vain, nos voiles
Que durcissent les frimas.
Adieu patrie ! adieu, plus d’espérance.
Adieu ma femme et ma chère Clémence,
Vous ne me reverrez pas.
De la tempête augmente la furie;
La mer blanchit le navire qui crie,
C’en est fait, nous coulons bas!
Adieu patrie ! adieu, plus d’espérance.
Adieu ma femme et ma chère Clémence,
Vous ne me reverrez pas.
Vous m’attendez à cette heure peut-être,
Et vous croyez toujours me voir paraître
Froid et couvert de frimas.
Adieu patrie ! adieu, plus d’espérance.
Adieu ma femme et ma chère Clémence,
Vous ne me reverrez pas.
Au cap lointain vaccille une lumière…
Mais le vaisseau brisé sombre à l’arrière,
Tous s’élancent dans les mâts.
Adieu patrie ! adieu, plus d’espérance.
Adieu ma femme et ma chère Clémence,
Vous ne me reverrez pas.
Tout disparut sous la vague profonde;
Et le marin qui luttait contre l’onde
Répétait encor tout bas:
Adieu patrie ! adieu, plus d’espérance.
Adieu ma femme et ma chère Clémence,
Vous ne me reverrez pas.
Et de l’aile, en passant, effleurez les frimas;
Vous qui bravez le froid, bercés par les tempêtes,
Venez tous les hivers voltiger sur mes pas.
Les voyez-vous glisser en légions rapides
Dans les plaines de l’air comme un nuage blanc,
Où le brouillard léger que le soleil avide,
À la cime d’un mont, dissipe en se levant ?
Entendez-vous leurs cris sur l’orme sans feuillage ?
De leur essaim pressé partent des chants joyeux.
Ils aiment le frimat qui ceint comme un corsage
Les branches du cormier, qui balancent sous eux.
Quand un faible rayon de l’astre de lumière
Brille sur le crystal qui recouvre les bois,
Le doux frémissement de leur aile légère
Partout frappe les airs où soupirent leurs voix.
Fuyez, petits oiseaux, dont l’épaisse feuillée
Ne peut plus recueillir l’amour comme au printemps;
Des bouleaux pour vos nids la branche est dépouillée,
Et le froid aquilon siffle dans leurs troncs blancs.
Leur vol est plus rapide à l’entour de nos toits.
Sur la balle du grain s’agite leur cortège
À la grange où bondit le van du villageois.
Oh! que j’aime à les voir au sein des giboulées
Mêler leur voix sonore avec le bruit du vent.
Ils couvrent mon jardin, inondent les allées,
Et d’arbre en arbre ils vont toujours en voltigeant.
Quelle main a placé sur la branche qui plie
De perfides réseaux pour arrêter leurs pas?
Ah ! fuyez – mais hélas ! j’en entends un qui crie,
Le cruel oiseleur va causer son trépas.
Poussant des cris plaintifs ils fuient dans la plaine;
Mes yeux les ont suivis derrière les côteaux;
Mais ils avaient déjà le soir perdu leur haine,
Et je les vis encor passer sous mes vitraux.
Ils revinrent souvent butiner à ma porte.
Mais de l’arbre perfide ils n’approchaient jamais.
Ils repartent enfin; l’aile qui les emporte
Semble par son doux bruit augmenter mes regrets.
Adieu, petits oiseaux, qui volez sur nos têtes,
Et de l’aile en passant effleurez les frimas.
Vous qui bravez le froid, bercés par les tempêtes,
Venez tous les hivers voltiger sur mes pas.