Olivar Asselin
Olivar Asselin naît en novembre 1874, à Saint-Hilarion, dans le comté de Charlevoix, au sein d’une famille de treize enfants. Quand survient la crise économique de 1890, il interrompt ses études et suit les siens qui s’exilent aux États-Unis. Il travaille dans une filature de coton du Massachusetts, puis il prend la plume et la met au service de la presse franco-américaine du temps.
Devenu citoyen américain, il s’enrôle quand éclate la courte guerre hispano-américaine, mais il n’a pas le temps d’essuyer son baptême du feu. En 1900, à 26 ans, il rentre au Québec. Nationaliste comme beaucoup de Franco-Américains, il collabore à divers journaux dont La Patrie, Le Canada, ou Débats.
Devenu le secrétaire du politicien Lomer Gouin et ainsi assuré d’un emploi stable, il épouse Alice Le Boutillier en 1902. Mais il ne tarde pas à revenir au journalisme, pour le compte du quotidien La Presse.
Bientôt renvoyé, il collabore à diverses publications avant de fonder, en 1904, l’hebdomadaire Le Nationaliste. Le journaliste-pamphlétaire, épris de justice et de progrès, y défend la langue française, l’avenir de la nation canadienne-française et sa promotion culturelle. Il dénonce la corruption généralisée, la concussion, l’hypocrisie et l’obscurantisme érigés en système. En quelques parutions, il se met à dos la classe politique, le clergé, le monde des affaires et les éducateurs.
En 1908, année de la disparition du Nationaliste, dont la caisse est à sec, il organise la campagne électorale d’Henri Bourassa dans le quartier montréalais de Saint-Jacques. Leur adversaire est nul autre que le Premier ministre libéral Lomer Gouin, l’ancien patron d’Asselin. Henri Bourassa l’emporte. Pour se venger, le député libéral Louis-Alexandre Taschereau accuse le polémiste le plus redouté de son temps d’avoir sali la réputation d’un ministre du gouvernement. Asselin accourt à Québec, interpelle Taschereau dans les corridors du Parlement puis lui administre un magistral coup de poing à la mâchoire… ce qui lui vaut d’être expédié pour 15 jours dans un cachot insalubre.
Resté dans la mouvance d’Henri Bourassa, Asselin l’épaule dans la fondation du Devoir, en 1910. Mais il comprend vite qu’il n’y a pas sa place : homme de progrès, en guerre constante contre l’Église obscurantiste de l’époque, il ne fait pas de compromis sur l’essentiel, même pour plaire au très catholique Bourassa.
Les coups de tête n’ont pas manqué dans la vie de cet homme paradoxal. En 1915, lors de la Première Guerre mondiale, il pose un geste qui lui attire l’opprobre des nationalistes et les quolibets de ses adversaires. Lui, ennemi juré de l’impérialisme et de la conscription, il lève un bataillon de volontaires canadiens-français, pour voler au secours de la France, la seule “mère-patrie” qu’il se reconnaisse.
Il rentre du front décoré de la Légion d’honneur après y avoir frôlé la mort. Il tarde à se trouver une place dans un journal, il se fait publicitaire ou courtier en valeurs mobilières.
En 1930, il défie encore ses alliés d’hier qui l’accusent de trahison : il devient rédacteur en chef du quotidien Le Canada, l’organe montréalais du Parti libéral sur lequel il a jadis tiré à boulets rouges. Ironie suprême, c’est sa victime d’antan, Louis-Alexandre Taschereau, devenu Premier ministre, qui l’a prié de venir au secours d’un journal et d’un parti en difficulté.
Quatre ans plus tard, il démissionne du Canada et fonde L’Ordre, un quotidien de combat. Les lecteurs marchent et les collaborateurs prestigieux se bousculent au portillon. On compare sa tenue littéraire à ce qui se fait de mieux en France…
Cela ne suffit pas à sauver le journal. Ses assauts répétés contre le clergé lui seront fatals. Le cardinal Villeneuve le condamne publiquement. Le quotidien disparaît un peu plus d’un an après sa parution. Asselin lance ensuite l’hebdomadaire La Renaissance qui ne dépasse pas 26 parutions. Vieilli prématurément, malade, sans le sou, Olivar meurt en 1937. Il laisse son nom au Prix décerné annuellement par le gouvernement québécois pour consacrer l’excellence en journalisme.