Le Jour d’Après
Quand l’innocence d’un enfant parle elle dit…
Le Jour d’Avant
Le vent souffle, la pluie tombe, le feu brûle, la terre est poussière, l’homme… est ce qu’il pense. Ce soir, un soir d’aucune époque, le vent souffle dans les feuilles d’une forêt aux pousses jeunes, lavées par la brume et les pluies déversant sur le monde leurs eaux enfin pures… des larmes qui lavent la Terre du sang de ses cruels enfants qui tuent leurs enfants, des larmes qui lavent le ciel de la suie que l’homme a collée dans l’azur, rendant le soleil brûlant, des larmes qui si souvent se mêlèrent à celles de ces enfants qui quittèrent les bras d’une mère souillée et rendue à la poussière, des enfants dont le regard innocent est une lumière dont la puissance n’a jamais su arrêter la folie de ceux qui un jour furent enfants… et l’oublièrent.
Puis un jour, à leur mort peut être, ces hommes se rappellent un enfant : celui qui marchait et qui sans comprendre pourquoi tomba à terre au milieu du sang, noyé des larmes que l’innocence verse, peut être alors comprennent-ils qu’ils ont sacrifiés la lumière qu’ils abritaient, cette lumière qui fait d’un regard, d’un sourire, d’une pensée ou d’une caresse, une étoile qui si fragile soit elle, est unique, comme le soleil… mais un tel trésor n’est jamais perçu comme tel par l’homme qui compte, qui réfléchi et raisonne, qui a oublié l’émerveillement face à ce papillon qui à force de tant de peine devient une fleur du ciel. Il ne compte pas face à l’acier, il ne compte pas pour ceux qui vénère le dieu avide, ce dieu de papier pour lequel l’on demande à l’homme le sacrifice de l’homme… ce dieu doré qui rend aveugle! Un tel homme, comme toute chose semée se doit d’être récoltée un jour, cet homme ne mérite que pitié… mais un jour il verra, il comprendra… et il pleurera.
Ce jour est comme la mort : nous n’en voulons jamais, son ombre ne plane que peu sur les voiles d’un esprit jeune… mais là où il diffère d’elle, c’est qu’il arrive tel que nous l’avons bâti… Combien ont retardé leur propre jugement, préférant dépérir comme un fruit privé de sa sève, combien ont attendu qu’il soit trop tard et à leur mort ont pleuré et dit : « si seulement j’avais su, j’aurais … évité de me tuer en tuant, en mentant, en blessant… si seulement… ». Car quand vient la lumière sur nos actes et pensées, elle est aussi belle qu’à l’aurore après l’orage, aussi émouvante que le sourire d’une femme que l’on aime, aussi douce que le premier regard d’une mère sur son enfant… et alors, le mensonge n’est plus, et alors faut-il se pardonner ce que l’on ignorait, et réparer ce que l’on savait… car le jour d’avant il est toujours temps… n’attends pas le jour d’après… car il n’est que larmes amères devant ce qui fut gâché, et il n’est plus temps alors de rien changer, car est venu le temps de remords acides qui vous rongent, et ceux de qui l’ont attend le pardon de nos actes enfin compris, pensez y… un enfant pleure dans le lointain, il pleure les forêt morte, il pleure les pluies de morts qui tuent… oseras-tu lui demandez pardon ? Pardon pour l’acier qui tua, pardon pour ce ciel souillé et cette Terre blessée… et pourquoi ? Il te le demanderas… les enfants demandent toujours.
Ce qui vaut pour l’œuvre de chaque homme vaut pour tous ; que feront nous ? Les hommes comprendrons-t-ils et se pardonneront-ils ? Le pourront-ils avec ce que tant d’autres avaient vécu avant eux, et qu’ils refirent ? Les morts inutiles que leurs actes causèrent… car ils avaient oubliés… et l’on ne pardonne qu’à l’ignorant… Celui qui sait et agit paie, mais pour ceux pour qui les cloches de la première heures sur Terre sonne à peine, pour ceux que nous élevons pour leur chair sans respect, pour la vie que nous avons détruite au nom de notre bien être, pour celle qui pourtant demeure… eux aussi paient l’oubli et l’avidité du petit nombre. Quelque part loin de nous un homme vit encore… lointain car nous le chassons, proche car c’est lui qui cria à notre naissance, rit à ses premiers pas, pleura ses premières douleurs, et saigna lors de son sacrifice sous la lame de l’or, de la folie d’une histoire qui n’a d’humain que le nom… puis, il murmure un peu trop, et trop juste… mais à la fin, quand détruit par sa propre main l’homme ouvre enfin les yeux, il est là, aussi sage qu’à l’aube de notre vie, aussi miséricordieux et compréhensif, et il pleure pour l’homme qui saigne et souffre ce qu’il a commis, payant dans la solitude…
Aujourd’hui un vent libre souffle sur des feuilles jeunes et souples, il agite les fils d’or du blé qui ondule en une mer de vie, il joue avec les herbes folles qui portent le galop des daims et cache la chasse silencieuse du lion, il porte son champ qui ne gémit plus le soir, triste qu’il était, mémoire de ceux qui innocents pleuraient… les orphelins dans les greniers, tordu sur une douleur et une solitude que nul n’écoutait, que nul ne voyait, seuls… et incompris. Je vois un monde jeune dans le regard de cet être qui sommeille encore en nous… Rien sur son visage d’un autre monde : il est une page blanche sans texte car il ignore si l’homme agira en ce jour d’avant… il le regarde, le visage tourné vers l’avenir possible, un jardin : celui d’une planète qui peut tant offrir… il regarde vers nous, vers moi, vers toi… J’aimerais que ce qui fut vécu ne l’ait pas été en vain, je voudrais que nous comprenions enfin, que nous pardonnions ce qui peut l’être et réparions avant que encore une fois il ne soit trop tard.
Oublions un instant, un seul instant ce vers quoi l’on tient tant à nous faire regarder pour notre soi-disant bien et contemplons le ravage de notre œuvre, la victime de notre illusion… qu’elle soit nommée nature, mère, enfant… qu’elle soit cette parole qui fit pleurer l’ami… qu’importe. Le temps, cette notion que la vie rend inutile… le temps… si tu étais éternel, que ferais-tu ? Agirions-nous ainsi ? Détruirions-nous ainsi ce qui nous entoure ? Nos actes tendraient-ils à la fin de l’autre, à sa domination ? Mais fous que vous êtes… je pleure sur votre éternité, car vous l’avez… j’ai vu un enfant rire à l’aube de ce jour, j’ai vu ses parent lui donner l’héritage de son passé, de ses ancêtres qui vivent par lui… je l’ai vu grandir, aimer, puis pleurer le retour à la poussière de la chair et la paix de deux cœurs en paix. Je l’ai vu pleurer devant le visage lumineux de celle qui par amour de la vie et de lui souffrit pour que naisse l’éternité par le sourire d’un enfant… Humains : vous êtes éternels, mais agissez comme si lors d’une vie il vous fallait prendre sans donner, jouir de tout sans réserve, exploiter un jardin qui n’est pas le votre mais le lieu qui abrita et abritera, si vous ne le détruisez pas, cet oiseaux qui vole vers la lumière, ce loup qui hurle en hommage à la lune, cette femme qui pleure lors d’une naissance, ce signe qui chante à sa mort. Il reste encore une seule et unique page… la dernière, celle pour laquelle il y eut tant de bonheur, tant de la malheur. Elle est à vous, alors faites qu’elle soit belle… n’échangez plus le respect de toute vie, de vous-même en échange d’une courbe qui doit monter pour la bonne conscience des statistiques, ne sacrifiez plus la douceur d’un été qui fleurit et la beauté des glaces qui ornent la Terre, ne sacrifiez plus ce qui aujourd’hui vous fait aimer la vie… trop l’a déjà été, alors faite que ce qu’il reste serve à ceux qui vivrons demain, et faites qu’ils aient ce droit qui vous semble si évident… faites qu’ils puissent encore vivre.
Aujourd’hui, il est encore temps, et nous savons ce qu’il en est, nous connaissons nos tords passés comme présents, nous maudissons cette prison que nous avons pourtant bâtie avec application, et ? Que faisons-nous ? Assez pour nous donner un semblant de bonne conscience, trop peu pour l’éternité. Un jour peut être diront-ils de notre histoire : « ils ne nous ont laissé que leurs regrets et remords de ce temps ou l’on savait, de ce temps ou l’on vivait dans l’indifférence, de ce temps ou l’essentiel nous tuait, ce temps ou l’on oublia ce qu’est vivre… ils avaient oublié le respect d’eux-mêmes, acceptant tout pour à la fin se rendre compte du vide de leur vie, se rendre compte de ce qu’ils laissaient après eux… combien ont pleuré trop tard sur la vie de leur enfants ». Ils pourraient dire bien plus, mais rien n’est écrit, car il est encore temps de changer, il est encore temps de se souvenir qu’à l’heure du choix tout le monde est libre, mais qu’ensuite il ne sera plus temps de regretter : faites que vous n’ayez rien à regretter, car ce monde n’est ni plus ni moins que ce que vous en faites, et je me demande parfois si il vaut encore la peine de protéger la vie… quand on voit ce que vous en faite… Je vous en prie, j’ai dix ans… ne me dites plus que je dois garder espoir ; je suis l’enfant, celui que vous avez été, celui que sera votre enfant : ne me dites plus ce en quoi vous-même ne croyez plus, ne me dites plus ce pour quoi vous ne faites rien, ne me mentez plus… .
Ce texte a comme début l’histoire des hommes, écrite par nos ancêtres, mais il n’aura comme fin que ce que vous ferez de votre vie, et ce que vous laisserez. Faites que cette histoire soit belle… car vous en êtes capable, montrez moi le bien de vos œuvres… et ne me rendez pas orphelin… de mon avenir, permettez moi de vivre la vie comme elle mérite d’être vécue, pour que mes larmes soit celle de la joie. Faite que notre histoire ait servit à autre chose qu’à remplir des cimetières oubliés, faites qu’elle ait servit à la lumière d’un avenir qui ne soit plus un espoir, mais une réalité. Vous tous avez une parcelle d’éternité en vous car vous possédez l’avenir, alors… à vous de choisir : perdre tout par insouciance et fatalisme, ou penser que vos efforts seront le chemins qu’emprunteront ceux pour qui vous serez des exemples en mal… et pourquoi pas en bien ! Car nous avons le droit de montrer que la nature de l’homme, de vous tous, est aussi capable de bien sur plus de temps qu’une vie…
J’écris ces mots comme une parcelle d’histoire, j’écris ces mots alors que des milliers ont déjà été écrits. Je vais terminer, et je vous la donne, pour que vous me la terminiez… et ensuite, je la lirai dans l’avenir que vous m’aurez donné, et dans lequel je vais vivre, ne l’oubliez pas…