À la mémoire d’Olivier et Anne-Sophie
Je reçois en plein cœur l’onde de choc qui traverse le Québec.
Dans ma « grande sagesse », j’ai tenté de lâcher prise, de croire en une justice plus grande que la nôtre. Peine perdue. Je demeure avec un grand malaise, un froid dans le dos. Je passe de la colère à la tristesse, de la haine à la compassion, puis de l’impuissance à l’amour inconditionnel de l’humain. En boucle. Je voudrais comprendre. Pour un instant, je voudrais pouvoir tourner le dos à la misère humaine, à la détresse, à tout ce qui me dépasse. Impossible. J’aime profondément l’humain et sa souffrance me touche. Et même si elle m’atteint en plein cœur, j’espère ne jamais devenir indifférente. Parce que ce qui nous fait souffrir témoigne de ce qu’il y a de plus grand, de plus noble en nous.
Qu’avons-nous à apprendre de cet événement qui ne laisse personne indifférent ? Crier vengeance, haïr, condamner, juger, changeront-ils la donne ? Déclarer la guerre à notre système judiciaire, à nos gouvernements, faire des manifestations, hurler au monde entier la haine que nous inspire cet événement, feront-t-ils la différence ? Sincèrement, je ne le crois pas. Mais comment pouvons-nous contribuer à un monde meilleur, empreint de respect, d’entraide, de compassion, d’amour ? Comment pouvons-nous prévenir de telles manifestations de détresse ? Et si la mort horrible de ces enfants nous servait de signal d’alarme pour attirer notre attention sur la détresse de notre société ?
Cet homme, qui a commis un geste horrible, a déjà été un petit garçon qui faisait sourire les passants, le visage barbouillé de crème glacée. Il porte en lui une part de la beauté humaine. Il a reçu le don de l’intelligence, le don de soigner, de guérir. Ses parents ont ressenti de la fierté lorsqu’il a brillamment réussi ce qu’il entreprenait. Il a connu l’amour, la joie d’être père.
Comment tant de dons, tant de réussites, ont-t-ils pu mener vers un dénouement aussi horrible ? Comme ami, comme parent, comme société, qu’aurions-nous pu faire pour parer cette douleur destructrice ? Que pourrions-nous faire à compter de maintenant pour la prévenir ?
Je suis inquiète du sort que la psychiatrie réservera à cet homme qui a besoin de soins de longue durée pour guérir d’une telle détresse. Pour être allé aussi loin, sa souffrance possède des racines profondes qu’il faudra énormément de temps pour déterrer.
Mais par-dessus tout, je m’inquiète pour tous les enfants que nous négligeons d’entendre aujourd’hui et qui pourraient à leur tour poser de tels gestes une fois adultes !
L’éducation émotionnelle de nos enfants est mon plus grand espoir pour cette société juste et aimante à laquelle nous aspirons tous en tant que parents, éducateurs, enseignants, amis, voisins, juges, jurés… Les choses peuvent changer. Mais il faut se mettre à l’écoute de nos enfants, même les plus silencieux; leur apprendre à se dire; leur offrir un milieu de vie où ils pourront s’épanouir au meilleur d’eux-mêmes; les inclure tous, sans exception, dans notre société en valorisant leurs dons uniques, quels qu’ils soient; leur apprendre l’amour inconditionnel, le respect de soi et des autres, la dignité, l’humilité, le pardon…
Fermons les écrans, sortons jouer dehors avec les enfants qui nous entourent, faisons moins d’argent pour les placer en priorité, ouvrons les portes toutes grandes à la famille, aux amis, aux voisins !
Ne laissons plus les enfants seuls parmi tant d’autres, ne laissons plus les parents seuls avec toute la responsabilité du monde sur leurs épaules.
Développons des liens durables, engagés, aimants avec les enfants qui nous entourent. Prenons le temps de nous arrêter devant chacun d’eux pour nous demander : de quoi cet enfant a-t-il besoin ? Qu’est-ce qu’il exprime par son comportement qui me dérange ? Et renseignons-nous : au-delà des besoins de bases, de survie, quels sont les besoins des enfants ? Comment décoder les manifestations non-verbales des enfants quant à leurs besoins ? Comment y répondre ?
Il est souvent difficile d’obtenir l’information juste, le soutien nécessaire ou l’approche qui répond à nos besoins et à ceux des enfants qui nous entourent. Cherchons sans relâche pour les accompagner de notre mieux.
Mais par amour pour l’humanité, s’il vous plaît, ne baissez pas les bras ! Pour que tous les enfants qui deviendront grands, puissent vivre des relations saines, équilibrées. Pour qu’ils puissent traverser les épreuves inhérentes à la condition humaine sans tomber dans la détresse et la folie. Je ne crois pas à l’impuissance : retroussons nos manches, la tâche est colossale ! Mais j’ai espoir qu’un jour, l’épanouissement émotionnel de nos enfants sera une priorité pour chacun d’entre nous, pour le plus grand bien de tous.
À la mémoire d’Olivier et Anne-Sophie,
Et à tous les adultes de demain,