Biographie de Albert Lozeau (1878-1924)

Albert Lozeau est l’aîné d’une famille de 11 enfants, dont 7 survivront à la petite enfance. Son père poursuit une carrière honorable de fonctionnaire à la Cour supérieure. Lozeau, immobilisé par la maladie, passera à peu près toute son existence, soigné par sa mère, dans le village de Saint-Jean-Baptiste, au nord du square Saint-Louis (maintenant au cœur de Montréal), là où ses parents se sont installés peu après leur mariage, en 1877.
Lozeau entre à l’académie Saint-Jean-Baptiste, à Montréal, en 1886. En 1892, se manifestent les premières atteintes de la maladie qui marquera la vie du poète : progressivement, il se retrouve paralysé par le mal de Pott, soit l’arthrite tuberculeuse de la colonne vertébrale. De 1896 à 1904, il est confiné à son lit, recroquevillé sur lui-même par la maladie. C’est ainsi qu’il écrira ses premiers poèmes, sur une planchette posée sur ses genoux : « Je suis resté neuf ans les pieds à la même hauteur que la tête : ça m’a enseigné l’humilité. J’ai rimé pour tuer le temps, qui me tuait par revanche », écrira-t-il dans une lettre citée dans la préface de son premier recueil.
En 1907, par l’entremise du critique français Charles ab der Halden, il publie, à Paris et à Montréal, un premier recueil de poèmes intitulé l’Âme solitaire. La critique est excellente, le livre s’envole à un point tel qu’une seconde édition paraît en 1908. On découvre, au Québec, une poésie nouvelle par sa revendication de la subjectivité et par ses recherches rythmiques. Ses thèmes préférés étaient l’amour, la solitude et la nature. (Source : Dictionnaire biographique du Canada en ligne)
LES AMITIÉS
Mes yeux sont fatigués de lire.
Mon coeur est triste et mon corps las.
J’attends quelqu’un qui ne vient pas…
J’aurais besoin d’un clair sourire.
J’écoute le vent froid bruire.
Une cloche sonne, là-bas.
Si j’entendais monter des pas !…
J’aurais tant de choses à dire !
Je pense aux chères amitiés,
Aux réconfortantes pitiés,
Aux regards, aux doux mots des femmes…
Elles seules savent guérir
Les langueurs des corps et des âmes,
Rien qu’à nous regarder souffrir…
L’âme solitaire, « Le regret », Montréal, s.é., 1925.
SOLITUDE
SOLITUDE du coeur, silence de la chambre,
Calme du soir autour de la lampe qui luit,
Pendant que sur les toits la neige de décembre
Scintille au clair de lune épandu dans la nuit…
Monotonie exquise, intimité de l’heure
Que rythme également l’horloge au bruit léger,
Voix si paisible et si douce que la demeure
Familière, l’entend toujours sans y songer…
Possession de soi, plénitude de l’être,
Recueillement profond et sommeil du désir…
Douceur d’avoir sa part du ciel à la fenêtre,
Et de ne pas rêver qu’ailleurs est le plaisir !
Heureuse solitude ! Onde fraîche où se baigne
L’âme enfiévrée et triste et lasse infiniment,
Où le coeur qu’a meurtri l’existence, et qui saigne,
Embaume sa blessure ardente, en la fermant…
Le miroir des jours, « L’âme et l’esprit », Montréal, s.é., 1925.