L’esprit du rivage (Ballade) un poème de Joseph Lenoir
Qui voyage si tard par le vent et la nuit?
C’est un enfant avec son père!
Un cheval les emporte à travers la bruyère!
L’enfant ferme les yeux et tremble au moindre bruit.
- Pourquoi donc, ô mon fils, caches-tu ton visage?
La lune luit: aurais-tu peur?
- Là-bas, enveloppé d’une blanche vapeur,
Regarde! il vient à nous! c’est l’esprit du rivage!
- Mon fils, je ne vois qu’un nuage!
« Doux enfant, je t’appelle encor!
« Viens avec moi, viens, viens, je t’aime!
« Mes filles ont un diadème!
« Tu seras leur bonheur suprême;
« Elles te donneront leurs grandes ailes d’or! »
- Entends-tu ce qu’il dit, entends-tu pas mon père!
- Paix, enfant, paix! souvent, dans la jaune bruyère,
Quand le grand pin vient de mourir,
Les feuilles de son tronc ont toujours un soupir!
« Veux-tu venir? veux-tu venir?
« Toutes mes filles sont bien belles!
« Elles ont de noires prunelles;
« Et, quand viendront les nuits nouvelles,
« Des chants sereins pour t’endormir! »
- Le voilà qui revient par le passage sombre!
- De l’orme au rameau gris, enfant, ce n’est que l’ombre!
« Oh! que ton blanc visage est doux!
« Je t’aime! ange! veux-tu me suivre!
« Comment sans toi, pourrons-nous vivre?
« Viens-t’en, ton bel oeil bleu m’enivre!
« Tu resteras sur mes genoux! »
- Mon père! il me saisit! oh! l’esprit du rivage
A des griffes aux mains, des flammes au visage!
Et pressant dans ses bras son fils avec effort,
Le père se hâtait de gagner sa demeure;
Mais lorsque du retour au foyer sonna l’heure
Le petit enfant était mort!
Montréal, 21 février 1850.
L’esprit du rivage (Ballade) un poème de Joseph Lenoir
18 mardi Nov 2014
Posted Joseph LENOIR (1822-1861), MES POÈMES
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